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Polaire


Née en 1874 en Algérie, Emilie Marie Bouchaud traverse la Méditerranée en 1889 pour rejoindre son frère Edmond qui sous le nom de Dufleuve connaît un certain succès sur les scènes parisiennes. Il est marié à la chanteuse Lisa Fleuron. Ces parentés et le physique particulier, avec sa taille de guêpe, conduise la future Polaire à présenter à une audition à l’Européen où elle fera sa première scène. De tours de chants en tours de chants, elle acquiert de la notoriété mais c’est vers le théâtre qu’elle souhaite évoluer. C’est non sans mal qu’elle rencontre la gloire en s’imposant auprès de Willy dans Claudine tirée de l’oeuvre de Colette.


Edmond DufleuveLise FleuronPolaire


Proche de Colette et de Pierre Loüys eux-mêmes amis La Gandara, le projet de portrait de Polaire devint une réalité en 1905. Il s’agit d’une composition colorée aux tons chatoyants. La robe est d'un rose bonbon sur un arrière plan sombre comme souvent chez le peintre. Le tout faisant ressortir la frimousse dorée de la gamine algérienne et sa douceur. Ses cheveux sont fous, sa taille dans un bracelet, son regard audacieux et volontaire exprime sa vitalité rebelle et ses jambes, qui frétillent, traduisent l’impétuosité de Polaire palpitante, inquiète comme l'antilope captive telle que ses conteporains la décrivaient.


The New York Herald – Article de Pierre Veber du 14 avril 1905

Illustration: Photo du portrait de Melle Polaire par Gandara par Moreau frères

« Melle Polaire a trouvé le seul portraitiste qui lui convint : M. de la Gandara. Il est juste d'ajouter que M. de la Gandara, grâce à elle, a retrouvé toutes ses qualités que l'on avait pu croire perdues. »


Le Ménestrel Article de Camille Le Senne du 16 avril 1905

« Extrêmement curieux, pour ne pas dire inattendu, le portrait de Mlle Polaire par M. de La Gandara. Ce n’est pas que le peintre ait changé ses procédés habituels. Il dérive toujours de Whistler comme on l’a si souvent observé, il emploie des méthodes subtiles et des nuances ammorties. Mais on ne s’imaginait guère que le pimpant et fringant Friquet du Gymnase pût s’accomoder avec tant de morbidesse à l’ambiance d’un atelier d’où sont proscrits les accents violents, les sautes de couleur. En fait, cette surprise est charmante ; nous avons une Polaire délicatement ingénue qui a l’air de sortir d’un bain purificateur du grand répertoire et qui pourrait faire la pige aux Agnès odéoniennes ; en robe rose, d’un ton délavé et simple, ou plutot simplette comme une jupe de pensionnaire d’un pensionnat où il n’y aurait pas de Claudine, elle croise les mains sur sa potrine, et le ruban pâle qui enserre les cheveux adoucit encore l’expression puérilement douloureuse de la figure olivâtre où fondent et s’atténuent les yeux de gazelle. Le mouvement de ces bras croisés dans une pose de statuaire est, d’ailleurs, d’une rare vérité, ainsi que l’ondulation de l’épaule qui joue dans la lumière, M. de La Gandara aura donc adrtoitement renouvelé un modèle, je ne dirai pas usé, mais usagé par les formes les plus diverses de la grande publicité sans recourir à aucune surenchère, à aucune outrance, en recherchant, au contraire, une harmonie d’effets délicats, presque neutres. C’est d’un artiste merveilleusement doué. »


Photo autographe dédicacée à Mathieu par l'actriceRevue du Bien dans la Vie et dans l'Art - Article de Jean Tarbel de mai 1905

« Dans son Portrait de Mlle Polaire, A. DE LA GANDARA a retrouvé en partie ce talent curieux, qui, jadis, faisait passer sous nos regards troublés, encerclées dans un dessin aride, d'énigmatiques figures, aux chairs incertaines et lardées, que de soudaines lumières, se jouant sur les bijoux rares, appelaient d'une nuit mystérieuse et brune. »


Vie IllustréeArticle de Jérôme Doucet du 5 mai 1905

Illustrations : Portrait de Melle Polaire, par M. de La Gandara (Soc. Nat.), Photographie de Melle Polaire dans la pose du portrait, De La Gandara et son chat favori pendant un temps de repos

« On s’étouffera devant la Polaire de La Gandara, car les tableaux de La Gandara sont les plus recherchés du public qui va au Salon pour la peinture.

L’adorable peintre de tant d’exquis portraits a fait un nouveau chef d’œuvre, et je trouve même que cette année il a fait un progrès vers son idéal en triomphant un peu de sa timidité, de sa crainte de soi-même  faite d’une grande modestie. »

Et puis… distraction d’artsite, dettes de jeux… une intervention surprenante du fisc brise la vie de la star. Sa villa près de Saint Raphael est saisie. Ses bijoux collections, œuvres d’art, tout est vendu en place publique. Son portrait par la Gandara est sauvé in extremis par une voisine madame Chollet.

Dans son escalier

devant le tableau

devisant avec son domestique noir


Pour survivre, elle tente de vendre son portrait en vain. Emprunte de l’argent notamment à Edouard de La Gandara. Son portrait fini dans une tombola et c’est dans une grande misère que Melle Bouchaud qui ne s’est jamais marié, qui a été beaucoup plus vertueuse que cela ne fut dit, termina ses jours à Champigny sur Marne ou elle est enterrée dans une fosse commune… puis déposée dans la sépulture de sa bienfaitrice des derniers moments : mademoiselle Benet de Montcarville au cimetière de Champigny.


RETOUR A ANECDOTES

La Presse - Le Carnet des Heures de Martin Gale du 15 juin 1905

« (…) Contrastes des représentations de gala, c'est vous qui attirez le public: Melle Polaire, servie comme un sorbet dans sa robe rose du portrait de La Gandara, entre deux Mounet, pique la curiosité plus vivement que les même Mounet dans une tragédie de Racine. (…) »


Paris-Soir – Article de Michel Georges-Michel du 20 mars 1928

« (…) Je l'avais vu faire, ce portrait, dans le haut atelier de la rue Monsieur-le-Prince. Polaire posait sérieusement, sa victoria attendant à la porte, Willy rigolant dans un coin, et Lorrain dictant à son secrétaire, Biscuit, un autre portrait: l'air d'une goule d'Egypte, hilare et lubrique, malgré le galurin empanaché qui n'écrase même pas son sourire vorace. Et ces yeux, plus voraces encore, gouffre à paradis artificiels et qui attireraient, si l'on n'avait peur d'approcher de cette taille de guêpe exaspérée, douloureuse de minceur. Polaire, l'agitante et agitée Polaire, la cantharide aux frémissements électriques. Meurt qui la touche. Défaille qui l'approche (…) »


On croisait Polaire avec Antonio de La Gandara à l’hôtel des Réservoirs à Versailles le 30 janvier 1905 ou déjeunant chez Le Doyen le 15 avril 1905. Polaire brûlait la chandelle par les deux bouts. Elle voyagea aux États-Unis. Elle en ramena un servant noir comme domestique pour son hôtel particulier du Bois de Boulogne et celui qui le remplaça plus tard rue Lord-Byron, enfin à sa villa ‘Claudine’ d'Agay.

Le portrait

Photo de la pose

Courrier FrançaisGazette rimée de Raoul Ponchon du 18 mai 1905


« Beaux-Arts et autres

A la Société Nationale des

Beaux-Arts sont dix chefs d’œuvres et mille saletés.

Je n’entreprendrai pas – ces jeux n’étant point nôtres –

N’ayant pas vu les uns, de décider des autres.

Je veux tout simplement rimailler quelques vers

Sur ces Messieurs qui m’ont à des titres divers,

Arrêtés plus ou moins. (…)

Dubuffe ! Qui dira Dubuffe ? Oh ! c’est pas moi.

Gandara, le portrait me met tout en émoi,

Que tu fis de l’exquise et stellaire Polaire,

Mon étoile polaire et mon mythe solaire. (…) »